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Te laisse pas faire : aider son enfant face au harcèlement scolaire

Te laisse pas faire : aider son enfant face au harcèlement scolaire

J’ai découvert Emmanuelle Piquet, auteur du livre Te laisse pas faire : aider son enfant face au harcèlement scolaire, dans cette vidéo :

Elle a une approche à contre-courant des idées reçues au sujet du harcèlement scolaire : ne pas surprotéger les enfants mais les aider à se défendre par eux-mêmes… Emmanuelle Piquet propose de donner des pistes aux enfants victimes de harcèlement scolaire : construire des outils avec l’enfant qui ne sait pas faire au lieu de tenter de résoudre le problème à sa place.

Emmanuelle Piquet voit dans cette posture « aide moi à me défendre tout seul » plusieurs avantages :

  • ancrer les apprentissages relationnels acquis par les enfants vulnérables à cette occasion
  • généraliser ces apprentissages à d’autres situations similaires
  • incarner une nouvelle posture corporelle (tête haute, corps déplié, yeux droits)
  • renforcer la confiance en soi comme moyen de prévention de nouvelles attaques (les harceleurs ne s’en prennent pas aux enfants qui ont confiance en eux)
  • doter l’enfant d’une posture solide (message et attitude) à laquelle il pourra se raccrocher

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6 principes pour aider efficacement un enfant face au harcèlement scolaire d’après Emmanuelle Piquet

1. La bonne posture du parent ne consiste pas à se mettre entre nos enfants et le monde, mais à côté d’eux.

En effet, lorsqu’on prend en charge une de leurs relations à leur place parce qu’elle est problématique, on prend le risque de la cristalliser

2. Quoi qu’il en soit, faire intervenir un adulte dans une relation problématique entre enfants est contraire au code de la cour de récréation.

3. Le plus efficace lorsqu’on tente de résoudre un problème relationnel, c’est de travailler avec celui qui souffre, pas avec celui qui agresse.

Or, dans les interventions institutionnelles de l’Education Nationale actuelles, on fait systématiquement l’inverse.

4. Quand une émotion très négative nous submerge et que l’on essaie de tout faire pour ne pas y penser, cette émotion devient fréquemment de plus en plus submergeante.

L’émotion désagréable continue de nous submerger tant qu’on n’a pas regardé précisément ce qu’elle voulait nous dire.

« Vas-y, pleure. Parce que franchement il y a de quoi pleurer. C’est vraiment horrible comme situation. »

« Je comprends que tu aies peur que cela ne s’arrête jamais. »

« Tu as honte et tu te demandes ce que les autres pensent de toi. »

J’apprécie ce point de vue car il consiste à accueillir, reconnaître et traverser les émotions (plutôt que les nier ou les mettre en doute – « ce n’est pas grave », « ils ne doivent pas être si méchants que ça, « ça va passer tout seul »…). Il ne s’agit pas non plus de rassurer mais d’aider les enfants à accueillir leurs peurs pour leur permettre de voir les choses différemment : une fois notre pire cauchemar regardé dans les yeux, il devient moins épouvantable :-).

Une fois qu’on a traversé sa peur et qu’on est sur l’autre rive, on voit la situation sous un autre angle. – Emmanuelle Piquet

5. En poussant nos enfants à dénoncer ceux qui les embêtent, on leur fait prendre le risque à la fois de représailles et de pousser les agresseurs à être plus rusés pour ne pas se faire sanctionner les prochaines fois.

6. Conséquemment, lorsqu’un adulte aussi bienveillant, respectueux et intelligent soit-il intervient entre 2 enfants (ou plus), il prend le risque d’aggraver le problème alors qu’il vise évidemment l’inverse.

Ce qui doit déclencher une action : la souffrance de l’enfant

Emmanuelle Piquet estime que seule la souffrance de l’enfant peut enclencher un processus efficace et réparateur face au harcèlement scolaire. On peut demander aux enfants comment ils se sentent, pratiquer l’écoute active avec eux mais il est inutile de souffrir à leur place.

Notre rôle est d’aider celui qui veut que ça change (le harcelé) à modifier l’interaction (avec le/les harceleur(s) ).

En général, les tentatives d’intervention se tournent vers le harceleur alors qu’il n’a aucun intérêt à ce que l’interaction change… et c’est la raison pour laquelle ces tentatives sont souvent inefficaces pour mettre un terme au harcèlement.

De même, le désintérêt et l’indifférence ne permettent pas à l’enfant vulnérable de se doter d’outils efficaces au niveau relationnel.

Emmanuelle Piquet écrit :

Nous ne soignons pas des personnes mais des relations. Nous n’allons donc pas modifier la personnalité du coupable ou de la victime mais bien modifier ce qui se passe entre eux.

Vous ne ferez rien avec quoi l’enfant victime ne soit absolument pas d’accord. Et évidemment tenez votre promesse, nous conseille Emmanuelle Piquet.

Il s’agit d’aller puiser dans les ressources des enfants victimes et les considérer comme compétents, comme ayant les ressources pour modifier la structure de la relation.

Emmanuelle Piquet propose d’abord d’aider l’enfant vulnérable à résoudre son problème d’un point de vue relationnel puis d’entamer d’éventuelles poursuites pour sanctions scolaires ou pénales. C’est à l’enfant de décider s’il souhaite des poursuites disciplinaires une fois que le harcèlement dont il a été victime a pris fin.

« Tu as un impact sur la situation »

Emmanuelle Piquet propose un virage à 180° : passer de « tu ne peux rien y faire, je vais donc m’en occuper » (en demandant à l’école d’intervenir, en demandant aux parents de l’agresseur de le punir, en disant au camarade qu’il faut qu’il arrête, en changeant d’établissement… au risque d’être harcelé de nouveau car aucune nouvelle compétence relationnelle n’a été acquise) à « tu as un impact sur la situation« .

La posture parentale qu’Emmanuelle Piquet est la suivante : se mettre à côté de l’enfant pour l’aider à faire tout seul et l’aider à construire des « flèches de résistance« .

Pour opérer ce virage, elle insiste sur 2 aspects :

  • le contenu du message à adresser à l’agresseur par la victime (la « flèche »)
  • la posture physique (les yeux droits, la tête haute, le corps relevé, le sourire aux lèvres) qui envoie un nouveau signal

Pour Emmanuelle Piquet, cette approche à contre courant comporte 2 grands avantages éducatifs :

  • pour l’enfant agressé (acquisition de nouvelles compétences et restauration de la confiance en soi)
  • pour l’enfant agresseur (expérience relationnelle correctrice : il est salutaire pour les harceleurs de subir une conséquences relationnelle négative au fait de harceler pour qu’ils ne soient pas maintenus dans une illusion de toute puissance et d’impunité)

Les flèches de résistance

Emmanuelle Piquet propose d’aider les enfants  à construire des flèches de résistance: ce sont des flèches d’arrêt à décocher seulement en cas d’agression, et non pas d’attaque (on ne répond à pas à la violence par la violence).

harcèlement scolaire

Elle parle de « judo verbal, souple et défensif, une forme d’auto défense ». Les flèches de résistance ont pour but de renvoyer sa propre violence à l’enfant ou au groupe qui harcèle.

Dans son livre, Emmanuelle Piquet dévoile plusieurs exemples de flèches de résistance qu’elle a élaborées conjointement avec des enfants lors de séances de thérapie. Elle y décrit également comment élaborer une flèche efficace et comment la décocher au bon moment. C’est en quelque sorte un jeu qui va à l’inverse de la manière dont l’enfant réagit habituellement.

Elle explique par exemple qu’il est indispensable d’avoir tous les éléments en main et identifier tous les risques pour que la flèche soit la plus pertinente possible. Il est alors fondamental d’établir une relation de confiance avec l’enfant pour qu’il livre le plus de détails possibles sur la situation qu’il vit (depuis combien de temps est-il harcelé ? qui sont les harceleurs ? sur quels sujets appuient-ils ? est-ce que quelqu’un a déjà tenté d’intervenir ?…).

Par ailleurs, la préparation et l’entraînement sont très importants. Emmanuelle Piquet prend le temps de jouer les scènes avec les enfants qu’elle accompagne : quelles pourraient être les réactions des harceleurs ? que faire s’ils menacent de frapper ? Le fait d’envisager les scénarios possibles sécurisent les enfants et assurent l’efficacité des flèches de résistance.

La flèche est dans mon carquois et , quand j’y pense, je me sens plus forte. – une adolescente ex-victime

Le livre d’Emmanuelle Piquet donne des bases solides aux parents, aux enseignants, à tous les professionnels travaillant avec des enfants. Emmanuelle Piquet a ouvert des centres d’intervention en souffrance scolaire dans lesquels elle reçoit enfants, adolescents, parents et enseignants: les adresses à ce lien.

 

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Le site de référence : Non au harcèlement et un numéro de téléphone : 30 20

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Une réflexion sur “Te laisse pas faire : aider son enfant face au harcèlement scolaire

  • Anne-Marie ABEL

    Le point de vue et la démarche sont très intéressants. Toutefois, difficiles à accompagner dans la cadre scolaire. Hors champ de nos prérogatives. L’écueil est de suggérer trop vite des « flèches » à la victime. Manque de temps et sentiment d’urgence à résoudre le problème. Nous pouvons conseiller d’apprendre à se défendre de cette manière et d’aller l’apprendre chez des thérapeutes formés. En revanche, nous avons recours à la médiation par les pairs.

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